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due sur tous les pères et les frères du couvent ; car, à des degrés différents, nous admirâmes dans tous un peu des qualités du supérieur, et cette maison de charité et de paix nous a laissé un ineffaçable souvenir. L’état monacal, dans l’époque où nous sommes, a toujours profondément répugné à mon intelligence et à ma raison ; mais l’aspect du couvent de Saint-Jean-Baptiste serait propre à détruire ces répugnances s’il n’était une exception, et si ce qui est contraire à la nature, à la famille, à la société, pouvait jamais être une institution justifiable. Les couvents de terre sainte ne sont pas au reste dans ce cas ; ils sont utiles au monde par l’asile qu’ils offrent aux pèlerins d’Occident, par l’exemple des vertus chrétiennes qu’ils peuvent donner aux peuples qui ignorent ces vertus ; enfin par les rapports qu’ils entretiennent seuls entre certaines parties de l’Orient et les nations de l’Occident.

Les pères nous réveillèrent vers le soir pour nous conduire au réfectoire, où leurs serviteurs et les nôtres avaient préparé notre repas. Ce repas, comme celui de tous les jours que nous passâmes dans ce couvent, consistait en omelettes, en morceaux de mouton enfilés dans une brochette de fer et rôtis au feu, et en pilau de riz. On nous donna, pour la première fois, d’excellent vin blanc des vignes des environs : c’est le seul vin qui soit connu en Judée. Les pères du désert de Saint-Jean-Baptiste sont les seuls qui sachent le faire ; ils en fournissent à tous les couvents de la Palestine : j’en achetai un petit baril, que j’expédiai en Europe. Pendant le repas, tous les religieux se promenaient dans le réfectoire, causant tour à tour avec nous ; le père supérieur veillait à ce que rien ne nous man-