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Le couvent de Saint-Jean dans le désert est une succursale du couvent latin de Terre-Sainte à Jérusalem. Ceux des religieux dont l’âge, les infirmités, ou les goûts de retraite plus profonde, font des cénobites plus volontaires, sont envoyés dans cette maison. La maison est grande et belle, entourée de jardins taillés dans le rocher, de cours, de pressoirs pour faire l’excellent vin de Jérusalem ; il y avait une vingtaine de religieux quand nous y vînmes ; la plupart étaient des vieillards espagnols ayant passé la plus grande partie de leur vie dans l’exercice des fonctions de curé, soit à Jérusalem, soit à Bethléem, soit dans les autres villes de la Palestine. Quelques-uns étaient des novices assez récemment arrivés de leurs couvents d’Espagne ; les huit ou dix jours que nous avons passés avec eux nous ont laissé la meilleure impression de leur caractère, de leur charité et de la pureté de leur vie. Le père supérieur surtout est le modèle le plus accompli des vertus du chrétien : simplicité, douceur, humilité, patience inaltérable, obligeance toujours gracieuse, zèle toujours opportun, soins infatigables des frères et des étrangers sans acception de rang ou de richesse, foi naturelle, agissante et contemplative à la fois, sérénité d’humeur, et de parole et de visage, qu’aucune contrariété ne pouvait jamais altérer. C’est un de ces rares exemples de ce que peut produire la perfection du principe religieux sur une âme d’homme : l’homme n’existe plus que dans sa forme visible ; l’âme est déjà transformée en quelque chose de surhumain, d’angélique, de déifié, qui fuit l’admiration, mais qui la commande. Nous fûmes tous également frappés, maîtres et domestiques, chrétiens ou Arabes, de la sainteté communicative de cet excellent religieux ; son âme semblait s’être répan-