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notre caravane, et de ne pas me quitter pendant tout le temps que je resterais, soit à Jérusalem, soit dans les environs. Je le remerciai, et nous partîmes.

Abougosh règne de fait sur environ quarante mille Arabes des montagnes de la Judée, depuis Ramla jusqu’à Jérusalem, depuis Hébron jusqu’aux montagnes de Jéricho. Cette domination, qui s’est perpétuée dans sa famille depuis quelques générations, n’a d’autre titre que sa puissance même. En Arabie, on ne discute pas l’origine ou la légitimité du pouvoir ; on le reconnaît, on lui est soumis pendant qu’il existe. Une famille est plus ancienne, plus nombreuse, plus riche, plus brave que les autres : le chef de cette famille devient naturellement plus influent sur la tribu ; la tribu elle-même, mieux gouvernée, plus habilement ou plus vaillamment conduite à la guerre, devient dominante sans contestation.

Telle est l’origine de toutes ces suprématies de chefs et de tribus que l’on reconnaît partout en Asie. La puissance se forme et se conserve comme une chose naturelle ; tout découle de la famille, et, une fois le fait de cet ascendant reconnu et constaté dans les mœurs et les habitudes, nul ne le conteste ; l’obéissance devient quelque chose de filial et de religieux. Il faut de grands événements et d’immenses infortunes pour renverser une famille ; et cette noblesse, pour ainsi dire volontaire, se conserve pendant des siècles. On ne comprend bien le régime féodal qu’après avoir visité ces contrées ; on voit comment s’étaient formées, dans le moyen âge, toutes ces familles, toutes ces puissances locales qui régnaient sur des châteaux, sur des villages, sur des pro-