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des collines inhabitées ; se tenir en embuscade derrière les rochers et les arbustes, et fondre à l’improviste sur les caravanes. Le célèbre Abougosh, chef des tribus arabes de ces montagnes, tient la clef de ces défilés, qui conduisent à Jérusalem : il les ouvre ou les ferme à son gré, et rançonne les voyageurs. Son quartier général est à quelques lieues de nous, au village de Jérémie. Nous nous attendons à chaque instant à voir paraître ses cavaliers : nous ne rencontrons personne, excepté un jeune aga, parent du gouverneur de Jérusalem, monté sur une jument de toute beauté, et accompagné de sept ou huit cavaliers. Il nous salua poliment, et se rangea, avec sa suite, pour nous laisser passer, sans toucher nos chevaux ni nos vêtements.

Environ à une heure de Jérémie, la vallée se rétrécit davantage, et des arbres couvrent le chemin de leurs rameaux. Il y a là une ancienne fontaine et les restes d’un kiosque ruiné ; on gravit pendant une heure par un sentier escarpé et inégal, creusé dans le rocher, au milieu des bois, et l’on aperçoit tout à coup le village et l’église de Jérémie à ses pieds, sur le revers de la colline. L’église, maintenant mosquée, paraît avoir été construite avec magnificence dans le temps du royaume de Jérusalem, sous les Lusignan. Le village est composé de quarante à cinquante maisons, assez vastes, suspendues sur le penchant de deux coteaux qui embrassent la vallée. Quelques figuiers disséminés et quelques champs de vigne annoncent une espèce de culture : nous voyons des troupeaux répandus autour des maisons ; quelques Arabes, revêtus de magnifiques cafetans, fument leurs pipes sur la terrasse de la maison principale, à cent pas du chemin par lequel nous descendons. Quinze à vingt