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moi, nous irions faire une reconnaissance. De cette manière, nous avions peu à craindre des Bédouins et de la peste ; et je dois dire que cet ordre de marche fut observé par nos soldats égyptiens, par nos cavaliers turcs et par nos propres Arabes, avec un scrupule d’obéissance et d’attention qui ferait honneur au corps le mieux discipliné de l’Europe. Nous le conservâmes pendant plus de vingt-cinq jours de route, et dans les positions les plus embarrassantes. Je n’eus jamais une réprimande à adresser à personne : c’est à ces mesures que nous dûmes notre salut.

Quelque temps après le coucher du soleil, nous arrivâmes au bout de la plaine de Ramla, auprès d’une fontaine creusée dans le roc, qui arrose un petit champ de courges. Nous étions au pied des montagnes de Judée ; une petite vallée, de cent pas de largeur, s’ouvrait à notre droite ; nous y descendîmes : c’est là que commence la domination des Arabes brigands de ces montagnes. Comme la nuit s’approchait, nous jugeâmes prudent d’établir notre camp dans cette vallée : nous plantâmes nos tentes à environ deux cents pas de la fontaine. Nous posâmes une garde avancée sur un mamelon qui domine la route de Jérusalem ; et pendant qu’on nous préparait à souper, nous allâmes chasser des perdrix sur des collines en vue de nos tentes ; nous en tuâmes quelques-unes, et nous fîmes partir, du sein des rochers, une multitude de petits aigles qui les habitent. Ils s’élevaient en tournoyant et en criant sur nos têtes, et revenaient sur nous après que nous avions tiré sur eux.

Tous les animaux ont peur du feu et de l’explosion des armes ; l’aigle seul paraît les dédaigner et jouer avec le