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gazelles de ce côté, pour vous découvrir et vous conduire à la maison de mon père. Notre nom est italien, notre famille est originaire d’Europe ; depuis un temps immémorial elle est établie en Arabie : nous sommes Arabes, mais nous avons le cœur français, et nous regarderions comme une honte et comme une insulte à nos sentiments, si vous acceptiez l’hospitalité d’une autre maison que la nôtre. Souvenez-vous que nous vous avons touché les premiers, et qu’en Orient celui qui touche le premier un étranger a le droit d’être son hôte. Je vous en préviens, ajouta-t-il, parce que beaucoup d’autres maisons de Jaffa ont été informées de votre passage par des lettres venues sur le même bâtiment, et vont accourir au-devant de vous aussitôt que mon esclave aura informé la ville de votre approche. »

À peine avait-il terminé son discours, qu’il dit quelques mots en arabe au jeune esclave, et que celui-ci, montant sur la jument de son maître, avait disparu en un clin d’œil derrière les monticules de sable qui bornaient l’horizon. Je fis donner à M. Damiani un de mes chevaux de main qui m’accompagnait sans être monté, et nous prîmes lentement la route de Jaffa, que nous n’apercevions pas encore. Après deux heures de marche, nous vîmes, de l’autre côté d’un fleuve qui nous restait à franchir, une trentaine de cavaliers revêtus des plus riches costumes et d’armes étincelantes, et montés sur des chevaux arabes de toute beauté, qui caracolaient sur la plage du fleuve. Ils lancèrent leurs chevaux jusque dans l’eau, en poussant des cris et en tirant des coups de pistolet pour nous saluer : c’étaient les fils, les parents, les amis des principaux habitants de Jaffa, qui venaient au-devant de nous. Chacun d’eux s’approcha de moi,