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l’eau de la mer, et permettent au regard d’embrasser une partie du golfe qu’elle forme derrière la ville. C’est un paysage d’un caractère entièrement neuf, à la fois grave et dur comme le rocher, riant et lumineux comme ces percées aériennes sur le bleu de la mer, et comme ces forêts de plantes nées d’elles-mêmes dans les fentes du granit.

Nous marchâmes quelque temps dans ces labyrinthes merveilleux, et nous arrivâmes enfin au pied de la grande muraille et des monuments moresques que nous avions devant nous ; là, nous nous arrêtâmes un instant pour délibérer. Ces ruines ont une mauvaise renommée ; c’est là que se cachent souvent des bandes d’Arabes voleurs qui pillent et massacrent les caravanes. On nous avait avertis à Kaïpha de les éviter, ou de les passer en ordre de bataille, et sans permettre à aucun de nos hommes de s’écarter du corps de la caravane. La curiosité l’avait emporté ; nous n’avions pu résister au désir de visiter des monuments dont l’histoire ancienne et moderne ne connaît rien : nous ignorions s’ils étaient déserts ou habités. Arrivés au pied des murs d’enceinte qui les enveloppent encore, nous aperçûmes la brèche par laquelle nous devions y pénétrer. Au même moment, un groupe d’Arabes à cheval parut, la lance à la main, sur le sable qui nous séparait encore de l’entrée, et fondit sur nous : nous fûmes surpris, mais nous étions prêts ; nous avions à la main nos fusils à deux coups chargés et armés, et des pistolets à la ceinture. Nous avançâmes sur les Arabes, ils s’arrêtèrent court ; je me détachai de la caravane, en lui ordonnant de rester sous les armes ; je m’avançai avec mes deux compagnons et mon drogman ; nous par-