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mon drogman, jeune homme né en Arabie et très-versé dans les lettres arabes, me cherchait aux alentours du monastère, et me découvrit auprès de la fontaine ; il m’amenait un autre jeune Arabe qui avait appris mon arrivée à Kaïpha, et qui était venu de Saint-Jean d’Acre pour faire connaissance avec un poëte de l’Occident. Ce jeune homme, né dans le Liban et élevé à Alep, était célèbre déjà par son talent poétique. J’en avais souvent entendu parler moi-même, et je m’étais fait traduire plusieurs de ses compositions. Il m’en apportait quelques-unes, dont je donnerai plus loin la traduction. Il s’assit avec nous auprès de la fontaine, et nous causâmes assez longtemps, avec l’aide de mon drogman. Cependant le jour baissait, il fallait nous séparer. « Puisque nous sommes ici deux poëtes, lui dis-je, et que le hasard nous réunit de deux points du monde si opposés dans un lieu si charmant, dans une si belle heure, et en présence d’une beauté si accomplie, nous devrions consacrer, chacun dans notre langue, par quelques vers, notre rencontre et les impressions que ce moment nous inspire. » Il sourit ; il tira de sa ceinture l’écritoire et la plume de roseau, qui ne quittent pas plus un écrivain arabe que le sabre ne quitte le cavalier. Nous nous écartâmes tous les deux de quelques pas, pour aller méditer un moment nos vers. Il eut fini bien avant moi. Voici ses vers, et voici les miens. On y reconnaîtra le caractère des deux poésies ; mais je n’ai pas besoin d’avertir combien toutes les langues perdent à passer dans une autre.

« Dans les jardins de Kaïpha, il y a une fleur que le rayon du soleil cherche à travers le treillis des feuilles de palmier.