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de ces aimables femmes. J’envoyai les Arabes porter les corbeilles au monastère, et nous nous assîmes, pour causer un moment des infortunes de madame Malagamba. L’endroit était charmant : c’était sous deux ou trois grands oliviers qui ombragent un des bassins que la source du prophète Élie s’est creusée en tombant de roc en roc dans un petit ravin du mont Carmel. Les Arabes avaient étendu les tapis de leurs ânes sur le gazon qui entoure la source ; et les deux femmes, qui avaient repoussé leurs longs voiles sur leurs épaules, assises sur le divan du voyageur, au bord de l’eau, dans leur costume le plus riche et le plus éclatant, formaient un groupe digne de l’œil d’un peintre. J’étais assis moi-même, vis-à-vis d’elles, sur une corniche du rocher d’où tombait la source. Bien des larmes mouillèrent les yeux de madame Malagamba en repassant ainsi devant moi le temps de ses prospérités, et sa chute dans l’infortune, et ses misères présentes, et sa fuite de Saint-Jean d’Acre, et ses préoccupations maternelles sur l’avenir de son fils et de ses charmantes filles.

Mademoiselle Malagamba écoutait ce récit avec l’insouciance tranquille de la première jeunesse ; elle s’amusait à réunir en bouquets les fleurs sur lesquelles elle était assise : seulement, lorsque la voix de sa mère s’altérait en parlant, et que des larmes tombaient de ses yeux, sa fille passait son bras autour du cou de sa mère, et essuyait ses pleurs avec le mouchoir de mousseline brodée d’argent qu’elle tenait à la main ; puis, quand le sourire revenait sur le visage de sa mère, elle reprenait sa distraction enfantine, et assortissait de nouveau les nuances de son bouquet. Je promis à ces pauvres femmes de me souvenir d’elles et de leur hospitalité