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Le mont Carmel commence à s’élever, à quelques minutes de marche de Kaïpha : nous le gravîmes par une route assez belle, taillée dans le rocher sur la pointe même du cap ; — chaque pas que nous faisions nous découvrait un horizon nouveau sur la mer, sur les collines de la Palestine et sur les rivages de l’Idumée. À moitié chemin, nous rencontrâmes un des Pères du Carmel, qui, depuis quarante ans, habite une petite maisonnette qui sert d’hospice aux pauvres dans la ville de Kaïpha, et qui monte et descend deux fois par jour la montagne, pour aller prier avec ses frères. La douce expression de sérénité d’âme et de gaieté de cœur qui brillait dans tous ses traits nous frappa. Ces expressions de bonheur paisible et inaltérable ne se rencontrent jamais que dans les hommes à vie simple et rude et à généreuses résolutions. L’échelle du bonheur est une échelle descendante ; on en trouve bien plus dans les humbles situations de la vie que dans les positions élevées. Dieu donne aux uns en félicité intérieure ce qu’il donne aux autres en éclat, en nom, en fortune. J’en ai fait maintes fois l’épreuve. Entrez dans un salon, cherchez l’homme dont le visage respire le plus de contentement intime, demandez son nom : c’est un inconnu, pauvre et négligé du monde. La Providence se révèle partout.

À la porte du beau monastère qui s’élève aujourd’hui, tout construit à neuf, tout éblouissant de blancheur, sur le sommet le plus aigu du cap du Carmel, deux Pères nous attendaient. C’étaient les seuls habitants de cette vaste et magnifique retraite de cénobites. Nous fûmes accueillis par eux comme des compatriotes et des amis. Ils mirent à notre disposition trois cellules pourvues chacune d’un lit, meuble