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gnols. Nous fûmes peu édifiés des propos que tenaient les uns sur les autres les moines de Nazareth. Nous n’en trouvâmes pas un seul qui pût soutenir la moindre conversation raisonnable sur les sujets même que leur vocation devait leur rendre le plus familiers. Aucune connaissance de l’antiquité sacrée, des Pères, de l’histoire des lieux qu’ils habitent. Tout se réduit à un certain nombre de traditions populaires et ridicules qu’ils se transmettent sans examen, et qu’ils donnent aux voyageurs comme ils les ont reçues de l’ignorance et de la crédulité des Arabes chrétiens du pays. Ils soupirent tous après le moment de leur délivrance, et retournent en Italie ou en Espagne sans aucun fruit pour eux ni pour la religion.

Du reste, les greniers du couvent sont bien remplis ; les caves renferment les meilleurs vins que cette terre produise. Eux seuls savent le faire. Tous les deux ans un vaisseau arrive d’Espagne, apportant au Père supérieur le revenu que les puissances catholiques, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, leur envoient. Cette somme, grossie des aumônes pieuses des chrétiens d’Égypte, de la Grèce, de Constantinople et de la Syrie, leur fournit, dit-on, un revenu de trois à quatre cent mille francs. Cela se divise entre les différents couvents, selon le nombre des moines et les besoins de la communauté. Les édifices sont bien entretenus, et tout indique l’aisance et même la richesse relative dans les maisons que j’ai visitées.

Je n’ai vu aucun scandale dans ces maisons des moines de terre sainte. L’ignorance, l’oisiveté, l’ennui, voilà les trois plaies qu’il faudrait et qu’on pourrait guérir.