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qui vient assister aux offices, recevoir un peu d’instruction pieuse et payer, en respects et en dévouement aux moines, le salaire de l’autel. Je ne suis jamais sorti accompagné d’un des Pères, dans les rues d’une des villes de Syrie, sans que les enfants et les femmes vinssent s’incliner sous la main du prêtre, baiser cette main et le bas de sa robe. Les Turcs même, bien loin de les insulter, semblaient partager le respect qu’ils imprimaient sur leur passage.

Maintenant qui sont ces moines ? En général, des paysans d’Espagne et d’Italie, entrés jeunes dans les couvents de leurs patries, et qui, s’ennuyant de la vie monacale, désirent la diversifier au moins par l’aspect de contrées nouvelles, et demandent à être envoyés en terre sainte. Leur résidence dans les maisons de leur ordre établies en Orient ne dure en général que deux ou trois ans. Un vaisseau vient les reprendre, et en ramène d’autres. Ceux qui apprennent l’arabe et se consacrent au service de la population catholique des villes y restent davantage, et y consument souvent toute leur vie. Ils ont les occupations et la vie de nos curés de campagne ; mais ils sont entourés de plus de vénération et de dévouement. Les autres restent renfermés dans l’enceinte du couvent, ou passent, pour faire leur pèlerinage, d’une maison dans une autre, tantôt à Nazareth, tantôt à Bethléem, quelque temps à Rome, quelque temps à Jaffa ou au couvent de Saint-Jean, dans le désert. Ils n’ont d’autre occupation que les offices de l’Église, la promenade dans les jardins ou sur les terrasses du couvent. Point de livres, nulles études, aucune fonction utile. L’ennui les dévore ; des cabales se forment dans l’intérieur du couvent ; les Espagnols médisent des Italiens, les Italiens des Espa-