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les mystères de leur religion ont consacré la terre. Ils jeûnent, ils veillent, ils prient, au milieu des blasphèmes des Turcs et des Arabes, pour qu’un peu d’encens chrétien fume encore sur chaque site où le christianisme est né. Ils sont les gardiens du berceau et du tombeau sacrés ; l’ange du jugement les retrouvera seuls à cette place, comme ces saintes femmes qui veillaient et pleuraient près du sépulcre vide. Tout cela est beau et grand dans la pensée ; mais dans le fait il faut en rabattre presque tout le grandiose. Il n’y a point de persécution, il n’y a plus de martyre ; tout autour de ces hospices une population chrétienne est aux ordres et au service des moines de ces couvents. Les Turcs ne les inquiètent nullement ; au contraire, ils les protégent. C’est le peuple qui comprend le mieux le culte et la prière, dans quelque langue ou sous quelque forme qu’ils se montrent à lui. Il ne hait que l’athéisme, qu’il trouve, avec raison, une dégradation de l’intelligence humaine, une insulte à l’humanité bien plus qu’à l’être évident, Dieu. Ces couvents sont, de plus, sous la protection redoutée et inviolable des puissances chrétiennes, et représentées par leurs consuls. Sur une plainte du supérieur, le consul écrit au pacha, et justice est faite à l’instant même.

Les moines que j’ai vus dans la terre sainte, bien loin de me présenter l’image du long martyre dont on leur fait honneur, m’ont paru les plus heureux, les plus respectés, les plus redoutés des habitants de ces contrées. Ils occupent des espèces de châteaux forts, semblables à nos vieux castels du moyen âge ; ces demeures sont inviolables, entourées de murs et fermées de portes de fer. Ces portes ne s’ouvrent que pour la population catholique du voisinage,