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globe ! Elles sont, parce qu’elles sont ; on ne les prend, on ne les quitte pas à volonté, sur la parole de telle ou telle bouche ; elles font partie du cœur même plus encore que de l’esprit de l’homme. — Quel est l’homme qui dira : « Je suis chrétien, parce que j’ai là telle réponse péremptoire dans tel livre, ou telle objection insoluble dans tel autre ? » Tout homme sensé à qui on demandera compte de sa foi répondra : « Je suis chrétien, parce que la fibre de mon cœur est chrétienne, parce que ma mère m’a fait sucer un lait chrétien, parce que les sympathies de mon âme et de mon esprit sont pour cette doctrine, parce que je vis de l’air de mon temps, sans prévoir de quoi vivra l’avenir. »

On voyait deux villages suspendus sur les bords escarpés du lac de Génésareth, — l’un à un quart d’heure de marche, en face de nous, de l’autre côté du Jourdain ; l’autre à quelques centaines de toises sur notre gauche, et sur la même rive du fleuve. Nous ignorions par quelles races d’Arabes ces villages étaient habités, et nous avions été prévenus de nous tenir sur nos gardes, et de craindre quelque surprise de la part des Arabes du Jourdain, qui ne souffrent guère qu’on traverse impunément leurs plaines et leur fleuve. Nous étions bien montés, bien armés ; et la conquête rapide et inattendue de la Syrie, par Méhémet-Ali, avait frappé tous les Arabes d’un tel éblouissement de peur et d’étonnement, que le moment était bien choisi pour tenter des excursions hardies sur leur territoire : ils ignoraient qui nous étions, pourquoi nous marchions avec tant de confiance parmi eux ; et ils pouvaient naturellement supposer que nous étions suivis de près par des forces supérieures à celles qu’ils pouvaient déployer contre nous. La peur du