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vent des Pères Latins, se faisaient distinguer d’abord ; quelques rues formées par des maisons moins vastes, mais d’une forme élégante et orientale, étaient répandues autour de ces édifices plus vastes, et animés d’un bruit et d’un mouvement de vie. Tout autour de la vallée ou du bassin de Nazareth, quelques bouquets de hauts nopals épineux, de figuiers dépouillés de leurs feuilles d’automne, et de grenadiers à la feuille légère et d’un vert tendre et jaune, étaient çà et là semés au hasard, donnant de la fraîcheur et de la grâce au paysage, comme des fleurs des champs autour d’un autel de village. Dieu seul sait ce qui se passa alors dans mon cœur ; mais, d’un mouvement spontané et pour ainsi dire involontaire, je me trouvai aux pieds de mon cheval, à genoux dans la poussière, sur un des rochers bleus et poudreux du sentier en précipice que nous descendions. J’y restai quelques minutes dans une contemplation muette, où toutes les pensées de ma vie d’homme sceptique et de chrétien se pressaient tellement dans ma tête, qu’il m’était impossible d’en discerner une seule. Ces seuls mots s’échappaient de mes lèvres : Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis. Je les prononçai avec le sentiment sublime, profond et reconnaissant qu’ils renferment ; et ce lieu les inspire si naturellement, que je fus frappé, en arrivant le soir au sanctuaire de l’église latine, de les trouver gravés en lettres d’or sur la table de marbre de l’autel souterrain, dans la maison de Marie et Joseph. — Puis, baissant religieusement la tête vers cette terre qui avait germé le Christ, je la baisai en silence, et je mouillai de quelques larmes de repentir, d’amour et d’espérance, cette terre qui en a vu tant répandre, cette terre qui en a tant séché, en lui demandant un peu de vérité et d’amour.