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ne me reproche du moins pour ma part aucun égoïsme à cet égard ; j’aurais sacrifié à ce devoir mon voyage même, ce rêve de mon imagination de seize ans ! Que le ciel suscite des hommes ! car notre politique fait honte à l’homme, fait pleurer les anges. La destinée donne une heure par siècle à l’humanité pour se régénérer ; cette heure, c’est une révolution, et les hommes la perdent à s’entre-déchirer ; ils donnent à la vengeance l’heure donnée par Dieu à la régénération et au progrès !




Même jour, toujours à l’ancre.


La révolution de Juillet ; qui m’a profondément affligé, parce que j’aimais de race la vieille et vénérable famille des Bourbons, parce qu’ils avaient eu l’amour et le sang de mon père, de mon grand-père, de tous mes parents, parce qu’ils auraient eu le mien s’ils l’avaient voulu, cette révolution ne m’a cependant pas aigri, parce qu’elle ne m’a pas étonné. Je l’ai vue venir de loin ; neuf mois avant le jour fatal, la chute de la monarchie nouvelle a été écrite pour moi dans les noms des hommes qu’elle chargeait de la conduire. Ces hommes étaient dévoués et fidèles, mais étaient d’un autre siècle, d’une autre pensée : tandis que l’idée du siècle marchait dans un sens, ils allaient marcher dans un autre ; la séparation était consommée dans l’esprit, elle ne pouvait