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leurs pyramides dans le bleu sombre d’un ciel du matin : à droite, la colline qui nous portait s’élevait insensiblement en s’éloignant de nous, et, allant comme se nouer avec d’autres collines, formait divers groupes d’élévations, les unes arides, les autres vêtues d’oliviers et de figuiers, et portant à leur sommet un village turc, dont le minaret blanc contrastait avec la sombre colonnade de cyprès qui enveloppe presque partout la mosquée. Mais, en face, l’horizon, qui terminait la plaine de Zabulon, et qui s’étendait devant nous dans un espace de trois ou quatre lieues, formait une perspective de collines, de montagnes, de vallées, de ciel, de lumière, de vapeurs et d’ombre, ordonnés avec une telle harmonie de couleurs et de lignes, fondus avec un tel bonheur de composition, liés avec une si gracieuse symétrie, et variés par des effets si divers, que mon œil ne pouvait s’en détacher, et que, ne trouvant rien, dans mes souvenirs des Alpes, d’Italie ou de Grèce, à quoi je pusse comparer ce magique ensemble, je m’écriai : « C’est le Poussin ou Claude Lorrain ! » — Rien, en effet, ne peut égaler la suavité grandiose de cet horizon de Chanaan, que le pinceau des deux peintres à qui le génie divin de la nature en a révélé la beauté. On ne trouvera cet accord du grand et du doux, du fort et du gracieux, du pittoresque et du fertile, que dans les paysages imaginés de ces deux grands hommes, ou dans la nature inimitable du beau pays que nous avions devant nous, et que la main du grand peintre suprême avait elle-même dessiné et coloré pour l’habitation d’un peuple encore pasteur et encore innocent. D’abord, au pied des montagnes, et à environ une demi-lieue dans la plaine, un mamelon, entièrement détaché de toutes les collines environnantes, sortait pour ainsi dire de terre, comme un piédestal naturel, destiné