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où nous marchions suspendus sur le précipice : au loin, la mer brillait comme une immense nappe d’argent, et, çà et là, quelque cap sombre s’avançait dans son sein, ou quelque antre profond pénétrait dans les flancs déchirés de la montagne ; la plaine de Tyr s’étendait derrière nous ; on la distinguait encore confusément aux franges de sable jaune et doré qui dessinaient ses contours entre la mer et la terre. L’ombre de Tyr se montrait à l’extrémité d’un promontoire, et le hasard, sans doute, avait seul allumé une clarté sur ses ruines, qu’on eût prise de loin pour un phare ; mais c’était le phare de sa solitude et de son abandon, qui ne guidait aucun navire, qui n’éclairait que nos yeux, et n’appelait qu’un regard de pitié sur des ruines. Cette route sur le précipice, avec tous les accidents variés, sublimes, solennels de la nuit, de la lune, de la mer et des abîmes, dura environ une heure, — une des heures les plus fortement notées dans ma mémoire, que Dieu m’ait permis de contempler sur sa terre ! sublime porte pour entrer le lendemain dans le sol des miracles, dans cette terre du témoignage, tout imprimée encore des traces de l’ancien et du nouveau commerce entre Dieu et l’homme !

En descendant du sommet de ce cap, nous eûmes la même vue qui nous avait frappés en le montant : des précipices aussi profonds, aussi sonores, aussi blanchis d’écume, aussi semés de vastes brisures de la roche vive et blanche, s’ouvraient sous nos pieds et sous nos regards ; la mer y brisait avec le même retentissement qui nous accompagna tout le long de la côte orageuse de Syrie, comme l’appellent les anciennes poésies hébraïques ; la lune, plus avancée dans le ciel, éclairait davantage cette scène à la fois tumultueuse et