Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

votre front, pendant que vous le reposez lourd et brûlant sur la selle qui vous sert d’oreiller. — Le matin, pendant que les moukres et les esclaves brident les chevaux, deux ou trois Arabes arrachent les piquets de la tente ; ils ébranlent le piquet qui sert de colonne ; il tombe, et les toiles larges et tendues qui couvraient toute une famille de voyageurs glissent et tombent elles-mêmes à terre en un petit monceau d’étoffe qu’un chamelier met sous son bras et suspend à la selle de son mulet ; il ne reste, sur la place vide où vous étiez tout à l’heure établi comme dans une demeure permanente, qu’un petit feu abandonné qui fume encore et s’éteint bientôt dans le soleil : véritable, frappante et vivante image de la vie, employée souvent dans la Bible, et qui me frappa fortement toutes les fois qu’elle s’est offerte à mes yeux.

De Kantara, parti avant le jour. — Gravi quelques collines arides et rocailleuses s’avançant en promontoires dans la mer. Puis, du sommet de la dernière et de la plus élevée de ces collines, voilà Tyr qui m’apparaît au bout de sa vaste et stérile colline. — Entre la mer et les dernières hauteurs du Liban, qui vont ici en dégradant rapidement, s’étend une plaine d’environ huit lieues de long sur une ou deux de large : la plaine est nue, jaune, couverte d’arbustes épineux, broutés en passant par le chameau des caravanes. Elle lance dans la mer une presqu’île avancée, séparée du continent par une chaussée recouverte d’un sable doré, apporté par les vents d’Égypte. Tyr, aujourd’hui appelée Sour par les Arabes, est portée par l’extrémité la plus aiguë de ce promontoire, et semble sortir des flots mêmes ; — de loin vous diriez encore une ville belle, neuve, blanche