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avec soin une place où poser leurs pieds : comme ils les placent toujours au même endroit, ils ont fini par creuser dans la pierre des cavités où leur sabot s’emboîte à quelques pouces de profondeur ; et ce n’est que grâce à ces cavités, qui offrent un point de résistance au fer du cheval, que cet animal peut se soutenir. De temps en temps on trouve des degrés taillés aussi dans le roc à deux pieds de hauteur, ou des blocs de granit arrondis qui seraient infranchissables, et qu’il faut contourner dans des interstices à peine aussi larges que les jambes de sa monture : tels sont presque tous les chemins dans cette partie du Liban. De temps en temps les flancs des montagnes s’écartent ou s’aplatissent, et l’on marche plus à l’aise sur des couches de poussière jaune, de grès ou de terre végétale. On ne peut concevoir comment un pareil pays est peuplé d’un si grand nombre de beaux chevaux, et comment l’usage en est habituel. Aucun Arabe, quelque inaccessible que soit son village ou sa maison, n’en sort qu’à cheval ; et nous les voyons descendre ou monter, insouciants et la pipe à la bouche, par des escarpements que les chevreuils de nos montagnes auraient peine à gravir.

Après une heure et demie de descente, nous commençâmes à entrevoir le fond de la gorge que nous avions à traverser et à suivre. Un fleuve retentissait dans ses profondeurs, encore voilées par le brouillard de ses eaux, et par les têtes de noyers, de caroubiers, de platanes et de peupliers de Perse, qui croissaient sur les dernières pentes du ravin. De belles fontaines sortaient, à droite de la route, des grottes de rochers tapissés de mille plantes grimpantes inconnues, ou du sein des pelouses gazonnées et semées de