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nent les terrasses artificielles sont plantés de mûriers, et admirablement cultivés. L’ombre des arbres et des vignes couvre partout le sol, et des ruisseaux nombreux, dirigés par les Arabes cultivateurs, viennent du haut de la montagne se diviser en rigoles, et arroser le pied des arbres et les jardins. L’ombre gigantesque du palais et des terrasses de Dptédin plane au-dessus de toute cette scène et vous suit jusqu’au pied de ce mamelon, où vous recommencez à gravir une autre montagne qui porte la ville de Deïr-el-Kammar sur son sommet. En un quart d’heure de marche nous y fûmes arrivés. Deïr-el-Kammar est la capitale de l’émir Beschir et des Druzes ; la ville renferme une population de dix à douze mille âmes. Mais, excepté un ancien édifice orné de sculptures moresques et de hauts balcons tout à fait semblables aux restes d’un de nos châteaux du moyen âge, Deïr-el-Kammar n’a rien d’une ville, encore moins d’une capitale ; cela ressemble parfaitement à une bourgade de Savoie ou d’Auvergne, à un gros village d’une province éloignée en France. Le jour ne faisait que de naître quand nous le traversâmes ; les troupeaux de juments et de chameaux sortaient des cours des maisons, et se répandaient sur les places et dans les rues non pavées de la ville : sur une place un peu plus vaste que les autres, quelques tentes noires de zingari étaient dressées ; des hommes, des enfants, des femmes, demi-nus ou enveloppés de l’immense couverture de laine blanche qui est leur seul vêtement, étaient accroupis autour d’un feu et se peignaient les cheveux, ou cherchaient les insectes qui les dévoraient. Quelques Arabes au service de l’émir passaient à cheval dans leur magnifique costume, avec des armes superbes à la ceinture, et une lance de douze à quinze pieds de long dans la main. Les