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commun du christianisme, et par la haine et la terreur de la domination turque. Le seul obstacle à la création d’une puissance nouvelle dans ces contrées, c’est la différence de religion entre les Maronites, les Druzes et les Métualis, qui peuplent à peu près à nombre égal les montagnes soumises à l’autorité de l’émir ; le plus fort lien de nationalité, c’est la communauté des pensées religieuses, ou plutôt cela a été jusqu’à présent ainsi. La civilisation, en avançant, réduit la pensée religieuse à l’individualisme, et d’autres intérêts communs forment la nationalité : ces intérêts étant moins graves que l’intérêt de religion, les nationalités vont en s’affaiblissant ; car quoi de plus fort pour l’homme que le sentiment religieux, que son dogme, que sa foi intime ? C’est la voix de son intelligence, c’est la pensée dans laquelle se résume toutes les autres : mœurs, lois, patrie, tout est pour un peuple dans sa religion : c’est ce qui fait, je crois, que l’Orient se constituera si difficilement en une seule et grande nation ; c’est ce qui fait que l’empire turc s’écroule. Vous n’apercevez de signe d’une existence commune, de symptômes d’une nationalité possible, que dans les parties de l’empire où les tribus d’un même culte sont agglomérées, parmi la race grecque, asiatique, parmi les Arméniens, parmi les Bulgares et parmi les Serviens ; partout ailleurs, vous voyez des hommes, mais pas de nation.