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écrivit une lettre de reproches à l’émir Beschir. Le ton de la dépêche montra à ce jeune prince qu’il était compromis. Il essaya de se justifier auprès du pacha, qui dissimula jusqu’à l’époque de la réélection du gouverneur : alors Djezar invita le prince à venir à Saint-Jean d’Acre prendre l’investiture.

Il vint sans défiance avec son ministre le scheik Beschir ; mais ils ne furent pas plus tôt arrivés qu’ils furent jetés dans un cachot, où ils eurent à endurer toutes sortes de maux pendant dix-huit ou vingt mois de captivité. Le but de Djezar, en les traitant ainsi, était de les amener à payer une riche rançon ; mais le prince n’avait rien ; il avait commandé trop peu de temps pour amasser de grandes richesses. Son ministre y suppléa : il envoya secrètement auprès du pacha la veuve d’un prince druze nommé Sest-Abbous, avec laquelle il avait eu des relations intimes ; il la chargea d’offrir au pacha la somme exigée, et de feindre d’engager elle-même ses propres bijoux pour compléter la rançon. Elle partit. C’était une femme adroite, hardie, et d’une grande habileté. Elle trouva le pacha à Acre, et le gagna si bien par les grâces de sa personne et de son esprit, que Djezar réduisit considérablement la somme qu’il avait d’abord demandée. L’investiture fut rendue à l’émir Beschir, qui rentra dans les bonnes grâces du pacha.

Pendant cette captivité, le frère de l’émir Joussef, et son cousin l’émir Koïdar de Bubda, s’étaient emparés du pouvoir, et avaient pris les mesures nécessaires pour empêcher l’émir Beschir de rentrer dans ses États, si Djezar venait à lui rendre la liberté. Dès qu’il fut sorti de sa prison, le