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éclatantes, relevées d’or et de broderies de perles ; la tête couverte d’un réseau de soie bleue ou rouge, tissé d’or ou d’argent, avec des aiguillettes sonores et flottantes qui tombent de son front sur ses naseaux, et dont il voile ou dévoile tour à tour, à chaque ondulation de son cou, le globe enflammé, immense, intelligent, doux et fier, de son œil à fleur de tête : il faut le voir surtout en masse, comme il était là, de deux ou trois cents chevaux, les uns couchés dans la poussière de la cour, les autres entravés par des anneaux de fer, et attachés à de longues cordes qui traversaient ces cours ; d’autres échappés sur le sable, et franchissant d’un bond les files de chameaux qui s’opposaient à leurs courses ; ceux-ci tenus à la main par de jeunes esclaves noirs vêtus de vestes écarlates, et reposant leurs têtes caressantes sur l’épaule de ces enfants ; ceux-là jouant ensemble libres et sans laisse comme des poulains dans une prairie, se dressant l’un contre l’autre, ou se frottant le front contre le front, ou se léchant mutuellement leur beau poil luisant et argenté ; tous nous regardant avec une attention inquiète et curieuse, à cause de nos costumes européens et de notre langue étrangère, mais se familiarisant bientôt, et venant gracieusement tendre leur cou aux caresses et au bruit flatteur de notre main. C’est une chose incroyable que la mobilité et la transparence de la physionomie de ces chevaux, quand on n’en a pas été témoin. Toutes leurs pensées se peignent dans leurs yeux et dans le mouvement convulsif de leurs joues, de leurs lèvres, de leurs naseaux, avec autant d’évidence, avec autant de caractère et de mobilité que les impressions de l’âme sur le visage d’un enfant. Quand nous approchions d’eux pour la première fois, ils faisaient des moues et des grimaces de répugnance et de curiosité tout à