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bles et dignes de ce vieux prince, et je me levai, après une longue conversation, pour l’accompagner dans ses bains, qu’il voulut nous montrer lui-même. Ces bains consistent en cinq ou six salles pavées de marbre à compartiments, et dont les voûtes et les murs étaient enduits de stuc et peints à détrempe, avec beaucoup de goût et d’élégance, par des peintres de Damas. Des jets d’eau chaude, froide ou tiède, sortaient du pavé, et répandaient leur température dans les salles. La dernière était un bain de vapeur où nous ne pûmes rester une minute. Plusieurs beaux esclaves blancs, le torse nu et les jambes entourées d’un châle de soie écrue, se tenaient dans ces salles, prêts à exercer leurs fonctions de baigneurs. Le prince nous fit proposer de prendre le bain avec lui : nous n’acceptâmes pas, et nous le laissâmes entre les mains de ses esclaves, qui s’apprêtaient à le déshabiller.

Nous allâmes de là, avec un de ses écuyers, visiter les cours et les écuries où ses magnifiques étalons arabes étaient enchaînés. Il faut avoir visité les écuries de Damas, ou celles de l’émir Beschir, pour avoir une idée du cheval arabe. Ce superbe et gracieux animal perd de sa beauté, de sa douceur et de sa forme pittoresque, quand on le transplante, de son pays natal et de ses habitudes familières, dans nos climats froids et dans l’ombre et la solitude de nos écuries. Il faut le voir à la porte de la tente des Arabes du désert, la tête entre les jambes, secouant sa longue crinière noire comme un parasol mobile, et balayant ses flancs, polis comme du cuivre ou comme de l’argent, avec le fouet tournant de sa queue, dont l’extrémité est toujours teinte en pourpre avec le henné : il faut le voir vêtu de ses housses