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emmenèrent notre suite et nos chevaux dans un autre quartier du palais. Notre appartement consistait en une jolie cour décorée de pilastres arabesques, avec une fontaine jaillissante au milieu, coulant dans un large bassin de marbre ; autour de cette cour, trois pièces et un divan, c’est-à-dire un appartement plus large que les autres, formé par une arcade qui s’ouvre sur la cour intérieure, et qui n’a ni portes ni rideaux qui la referment : c’est une transition entre la maison et la rue, qui sert de jardin aux paresseux musulmans, et dont l’ombre immobile remplace pour eux celle des arbres, qu’ils n’ont ni l’industrie de planter, ni la force d’aller chercher où la nature les a faît croître pour eux. Nos chambres, quoique dans ce magnifique palais, auraient paru trop délabrées au plus pauvre paysan de nos chaumières : les fenêtres n’avaient point de vitres, luxe inconnu dans l’Orient, malgré les rigueurs de l’hiver dans ces montagnes ; ni lits ni meubles, ni chaises ; rien que les murailles nues, décrépites, percées de trous de rats et de lézards ; et pour plancher, dé la terre battue, inégale, mêlée de paille hachée. — Des esclaves apportèrent des nattes de jonc, qu’ils étendirent sur ce plancher, et des tapis de Damas, dont ils recouvrirent les nattes ; ils apportèrent ensuite une petite table de Bethléem, en bois incrusté de nacre de perles : ces tables n’ont pas un demi-pied de diamètre, et pas davantage d’élévation ; elles ressemblent à un tronçon de colonne brisée, et ne peuvent porter qu’un plateau, sur lequel les musulmans placent les cinq ou six plats dont leur repas se compose.

Notre dîner, placé sur cette table, se composait d’un pilau, d’un plat de lait aigri que l’on mêle avec de l’huile, et