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malheureux matelots qu’ils surprennent, est décidé à mourir plutôt que de se rendre à eux.




17 juin 1832.


J’emmène avec moi trois amis. Le premier est un de ces hommes que la Providence attache à nos pas quand elle prévoit que nous aurons besoin d’un appui qui ne fléchisse pas sous le malheur ou sous le péril : Amédée de Parseval. Nous avons été liés dès notre plus tendre jeunesse par une affection qu’aucune époque de notre vie n’a trouvée en défaut. Ma mère l’aimait comme un fils ; je l’ai aimé comme un frère. Toutes les fois que j’ai été frappé d’un coup du sort, je l’ai trouvé là, ou je l’ai vu arriver pour en prendre sa part, la part principale, le malheur tout entier, s’il l’avait pu. C’est un cœur qui ne vit que du bonheur ou qui ne souffre que du malheur des autres. Quand j’étais, il y a quinze ans, à Paris, seul, malade, ruiné, désespéré et mourant, il passait les nuits à veiller auprès de ma lampe d’agonie. Quand j’ai perdu quelque être adoré, c’est lui toujours qui est venu me porter le coup pour me l’adoucir. À la mort de ma mère, il arriva auprès de moi aussitôt que la fatale nouvelle, et me conduisit de deux cents lieues jusqu’au tombeau où j’allai vainement chercher le suprême adieu qu’elle m’avait adressé, mais que je n’avais pas en-