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Christ et la pratique de sa charitable morale. Ajoutez à cela les couleurs fantastiques et les rêves surnaturels d’une imagination teinte d’Orient et échauffée par la solitude et la méditation, quelques révélations, peut-être, des astrologues arabes ; et vous aurez l’idée de ce composé sublime et bizarre, qu’il est plus commode d’appeler folie que d’analyser et de comprendre. Non, cette femme n’est point folle. — La folie, qui s’écrit en traits trop évidents dans les yeux, n’est point écrite dans son beau et droit regard ; la folie, qui se trahit toujours dans la conversation, dont elle interrompt toujours involontairement la chaîne par des écarts brusques, désordonnés et excentriques, ne s’aperçoit nullement dans la conversation élevée, mystique, nuageuse, mais soutenue, liée, enchaînée et forte de lady Esther. S’il me fallait prononcer, je dirais plutôt que c’est une folie volontaire, étudiée, qui se connaît soi-même, et qui a ses raisons pour paraître folie. — La puissante admiration que son génie a exercée et exerce encore sur les populations arabes qui entourent les montagnes prouve assez que cette prétendue folie n’est qu’un moyen. Aux hommes de cette terre de prodiges, à ces hommes des rochers et des déserts, dont l’imagination est plus colorée et plus brumeuse que l’horizon de leurs sables ou de leurs mers, il faut la parole de Mahomet ou de lady Stanhope ! il faut le commerce des astres, les prophéties, les miracles, la seconde vue du génie ! Lady Stanhope l’a compris d’abord par la haute portée de son intelligence vraiment supérieure ; puis peut-être, comme tous les êtres doués de puissantes facultés intellectuelles, a-t-elle fini par se séduire elle-même, et par être la première néophyte du symbole qu’elle s’était créé pour d’autres. — Tel est l’effet que cette femme a produit sur moi. On ne peut