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paient toute sa personne dans des plis simples et majestueux ; et l’on apercevait seulement, dans l’ouverture que laissait cette première tunique sur sa poitrine, une seconde robe d’étoffe de Perse à mille fleurs qui montait jusqu’au cou, et s’y nouait par une agrafe de perle. — Des bottines turques de maroquin jaune brodé en soie complétaient ce beau costume oriental, qu’elle portait avec la liberté et la grâce d’une personne qui n’en a pas porté d’autres depuis sa jeunesse.

« Vous êtes venu de bien loin pour voir une ermite, me dit-elle ; soyez le bienvenu. Je reçois peu d’étrangers, un ou deux à peine par année ; mais votre lettre m’a plu, et j’ai désiré connaître une personne qui aimait, comme moi, Dieu, la nature, et la solitude. Quelque chose, d’ailleurs, me disait que nos étoiles étaient amies, et que nous nous conviendrions mutuellement. Je vois avec plaisir que mon pressentiment ne m’a pas trompée ; et vos traits que je vois maintenant, et le seul bruit de vos pas pendant que vous traversiez le corridor, m’en ont assez appris sur vous pour que je ne me repente pas d’avoir voulu vous voir. — Asseyons-nous, et causons. — Nous sommes déjà amis. — Comment, lui dis-je, Milady, honorez-vous si vite du nom d’ami un homme dont le nom et la vie vous sont complétement inconnus ? Vous ignorez qui je suis. — C’est vrai, reprit-elle ; je ne sais ni ce que vous êtes selon le monde, ni ce que vous avez fait pendant que vous avez vécu parmi les hommes ; mais je sais déjà ce que vous êtes devant Dieu. Ne me prenez point pour une folle, comme le monde me nomme souvent ; mais je ne puis résister au besoin de vous parler à cœur ouvert. Il est une science, perdue aujourd’hui dans votre Europe, science qui est née en Orient, qui n’y a