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deux chambres au rez-de-chaussée, sans fenêtres, et séparées les unes des autres par de petites cours ou petits jardins, assemblage tout à fait pareil à l’aspect de ces pauvres couvents qu’on rencontre en Italie ou en Espagne sur les hautes montagnes, et appartenant à des ordres mendiants. Selon son habitude, lady Stanhope n’était pas visible avant trois ou quatre heures après midi. On nous conduisit chacun dans une espèce de cellule étroite, sans jour et sans meubles. On nous servit à déjeuner, et nous nous jetâmes sur un divan, en attendant le réveil de l’hôtesse invisible du romantique séjour. — Je dormais ; à trois heures on vint frapper à ma porte, et m’annoncer qu’elle m’attendait. Je traversai une cour, un jardin, un kiosque à jour, à tenture de jasmin, puis deux ou trois corridors sombres, et je fus introduit, par un petit enfant nègre de six ou huit ans, dans le cabinet de lady Esther. — Une si profonde obscurité y régnait que je pus à peine distinguer les traits nobles, graves, doux et majestueux de la figure blanche qui, en costume oriental, se leva du divan, et s’avança en me tendant la main. Lady Esther paraît avoir cinquante ans ; elle a de ces traits que les années ne peuvent altérer : la fraîcheur, la couleur, la grâce, s’en vont avec la jeunesse ; mais quand la beauté est dans la forme même, dans la pureté des lignes, dans la dignité, dans la majesté, dans la pensée d’un visage d’homme ou de femme, la beauté change aux différentes époques de la vie, mais elle ne passe pas. — Telle est celle de lady Stanhope. — Elle avait sur la tête un turban blanc, sur le front une bandelette de laine couleur de pourpre, et retombant de chaque côté de la tête jusque sur les épaules. Un long châle de cachemire jaune, une immense robe turque de soie blanche à manches flottantes, envelop-