Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heures du matin, par un soleil déjà dévorant, nous quittions Saïde, l’antique Sidon, qui s’avance sur les flots comme un glorieux souvenir d’une domination passée, et nous gravissions des collines crayeuses, nues, déchirées, qui, s’élevant insensiblement d’étage en étage, nous menaient à la solitude que nous cherchions vainement des yeux. Chaque mamelon gravi nous en découvrait un plus élevé, qu’il fallait tourner ou gravir encore ; les montagnes s’enchaînaient aux montagnes, comme les anneaux d’une chaîne pressée, ne laissant entre elles que des ravins profonds sans eau, blanchis, semés de quartiers de roches grisâtres. Ces montagnes sont complétement dépouillées de végétation et de terre. Ce sont des squelettes de collines que les eaux et les vents ont rongés depuis des siècles. — Ce n’était pas là que je m’attendais à trouver la demeure d’une femme qui avait visité le monde, et qui avait eu tout l’univers à choisir. — Enfin, du haut d’un de ces rochers, mes yeux tombèrent sur une vallée plus profonde, plus large, bornée de toutes parts par des montagnes plus majestueuses, mais non moins stériles. Au milieu de cette vallée, comme la base d’une large tour, la montagne de Dgioun prenait naissance, et s’arrondissait en bancs de rochers circulaires qui, s’amincissant en s’approchant de leurs cimes, formaient enfin une esplanade de quelques centaines de toises de largeur, et se couronnaient d’une belle, gracieuse et verte végétation. — Un mur blanc, flanqué d’un kiosque à l’un de ses angles, entourait cette masse de verdure. — C’était là le séjour de lady Esther. Nous l’atteignîmes à midi. La maison n’est pas ce qu’on appelle ainsi en Europe, ce n’est pas même ce qu’on nomme maison en Orient ; c’est un assemblage confus et bizarre de dix ou douze petites maisonnettes, ne contenant chacune qu’une ou