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complet isolement où je la trouvai moi-même ; mais c’est là que la trempe héroïque de son caractère montra toute l’énergie, toute la constance de résolution de cette âme. Elle ne songea pas à revenir sur ses pas ; elle ne donna pas un regret au monde et au passé ; elle ne fléchit pas sous l’abandon, sous l’infortune, sous la perspective de la vieillesse et de l’oubli des vivants ; elle demeura seule où elle est encore, sans livres, sans journaux, sans lettres d’Europe, sans amis, sans serviteurs même attachés à sa personne, entourée seulement de quelques négresses et de quelques enfants esclaves noirs, et d’un certain nombre de paysans arabes pour soigner son jardin, ses chevaux, et veiller à sa sûreté personnelle. On croit généralement dans le pays, et mes rapports avec elle me fondent moi-même a croire qu’elle trouve la force surnaturelle de son âme et de sa résolution, non-seulement dans son caractère, mais encore dans des idées religieuses exaltées, où l’illuminisme d’Europe se trouve confondu avec quelques croyances orientales, et surtout avec les merveilles de l’astrologie. Quoi qu’il en soit, lady Stanhope est un grand nom en Orient et un grand étonnement pour l’Europe. Me trouvant si près d’elle, je désirais la voir : sa pensée de solitude et de méditation avait tant de sympathie apparente avec mes propres pensées, que j’étais bien aise de vérifier en quoi nous nous touchions peut-être. Mais rien n’est plus difficile pour un Européen que d’être admis auprès d’elle ; elle se refuse à toute communication avec les voyageurs anglais, avec les femmes, avec les membres même de sa famille. Je n’avais donc que peu d’espoir de lui être présenté, et je n’avais aucune lettre d’introduction : sachant néanmoins qu’elle conservait quelques rapports éloignés avec les Arabes de la Palestine et de la