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gens de la famille de l’époux en font autant de leur côté, et ne lui laissent prendre aucun repos depuis huit jours. Nous ne comprenons rien aux motifs de cet usage.

Introduits dans les jardins de la maison d’Habib, on a fait entrer les femmes dans l’intérieur des divans pour faire leurs compliments à la jeune fille, admirer sa parure et voir les cérémonies. Pour nous, on nous a laissés dans la cour, ou fait entrer dans un divan inférieur. Là, une table était dressée à l’européenne, chargée d’une multitude de fruits confits, de gâteaux au miel et au sucre, de liqueurs et sorbets ; et pendant toute la soirée on a renouvelé cette collation à mesure que les nombreux visiteurs l’avaient épuisée. J’ai réussi à m’introduire, par exception, jusque dans le divan des femmes, au moment où l’archevêque grec donnait la bénédiction nuptiale. La jeune fille était debout à côté de son fiancé, couverte, de la tête aux pieds, d’un voile de gaze rouge brodé en or. Un moment le prêtre a écarté le voile, et le jeune homme a pu entrevoir pour la première fois celle à qui il unissait sa vie : elle était admirablement belle. La pâleur dont la fatigue et l’émotion couvraient ses joues, pâleur relevée encore par les reflets du voile rouge et les innombrables parures d’or, d’argent, de perles, de diamants, dont elle était couverte, et par les longues nattes de ses cheveux noirs qui tombaient tout autour de sa taille ; ses cils peints en noir, ainsi que ses sourcils et le bord de ses yeux ; ses mains dont l’extrémité des doigts et des ongles était teinte en rouge avec le henné, et avait des compartiments et des dessins moresques ; tout donnait à sa ravissante beauté un caractère de nouveauté et de solennité pour nous, dont nous fûmes vivement frappés. Son mari eut à