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pris à plusieurs reprises, ont rempli l’après-dînée. Je lui ai remis une lettre pour Ibrahim-Pacha, lettre dans laquelle je lui annonce l’arrivée d’un voyageur européen dans le pays soumis à ses armes, et lui demande la protection que l’on doit attendre d’un homme qui combat pour la cause de la civilisation européenne. Ibrahim a passé il y a peu de temps avec son armée ; il est maintenant du côté de Homs, grande ville entre Alep et Damas, dans le désert ; il a laissé peu de troupes en Syrie ; les principales villes, comme Bayruth, Saïde, Jaffa, Acre, Tripoli, sont occupées, d’accord avec Ibrahim, par les soldats de l’émir Beschir, ou grand prince des Druzes, qui règne sur le Liban. Ce prince n’a pas résisté à Ibrahim ; il a abandonné la cause des Turcs, en apparence au moins, après la prise de Saint-Jean d’Acre par Ibrahim, et il confond ses troupes avec celles du pacha. L’émir Beschir, si Ibrahim venait à être battu à Homs, pourrait lui fermer la retraite et anéantir les débris des Égyptiens. Ce prince, habile et guerrier, règne depuis quarante années sur toutes les montagnes du Liban. Il a fondu en un seul peuple les Druzes, les Métualis, les Maronites, les Syriens et les Arabes, qui vivent sous sa domination ; il a des fils, guerriers comme lui, qu’il envoie gouverner les villes qu’Ibrahim lui confie : un de ses fils est campé à un quart de mille d’ici, dans la plaine qui touche au Liban, avec cinq ou six cents cavaliers arabes. Nous devons le voir ; il nous a envoyé complimenter.

Un Arabe me racontait aujourd’hui l’entrée d’Ibrahim dans la ville de Bayruth. À quelque distance de la porte, comme il traversait un chemin creux dont les douves sont couvertes de racines grimpantes et d’arbustes entrelacés,