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arabes ; j’achète d’abord six chevaux arabes de seconde race, et je les établis, comme font les gens du pays, au gros soleil, dans un champ devant la porte, les jambes entravées par des anneaux de fer, et attachées par un pieu fiché en terre. Je fais dresser une tente auprès des chevaux, pour les saïs ou palefreniers arabes. Ces hommes paraissent doux et intelligents : quant aux animaux, en deux jours ils nous connaissent et nous flairent comme des chiens. Habib-Barbara nous présente à sa femme et à sa fille, qu’il doit marier dans peu de jours : il nous invite à sa noce. Curieux d’observer une noce syrienne, nous acceptons, et Julia prépare ses présents pour la fiancée. Je lui donne une petite montre d’or, dont j’ai apporté provision pour les circonstances de ce genre ; elle y joint une petite chaîne de perles. Nous montons à cheval pour reconnaître les environs de Bayruth : superbe cheval arabe de madame Jorelle ; harnais de velours bleu plaqué d’argent ; poitrail de bosses du même métal sculpté, qui flottent en guirlandes et résonnent sur le poitrail de ce bel animal. M. Jorelle me vend un de ses chevaux pour ma femme ; je fais faire des selles et des brides arabes pour quatorze chevaux.

À une demi-lieue environ de la ville, du côté du levant, l’émir Fakardin a planté une forêt de pins parasols sur un plateau sablonneux qui s’étend entre la mer et la plaine de Bagdhad, beau village arabe au pied du Liban : l’émir planta, dit-on, cette magnifique forêt pour opposer un rempart à l’invasion des immenses collines de sable rouge qui s’élèvent un peu plus loin, et qui menaçaient d’engloutir Bayruth et ses riches plantations. La forêt est devenue superbe ; les troncs des arbres ont soixante et quatre-vingts