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culairement sur la mer avec des villages et de grands monastères suspendus à leurs précipices ; tantôt elles s’écartent du rivage, forment d’immenses golfes, laissent des marques verdoyantes ou des lisières de sable doré entre elles et les flots. Des voiles sillonnent ces golfes, et vont aborder dans les nombreuses rades dont la côte est dentelée. La mer y est de la teinte la plus bleue et la plus sombre ; et, quoiqu’il y ait presque toujours de la houle, la vague, qui est grande et large, roule à vastes plis sur les sables, et réfléchit les montagnes comme une glace sans tache. Ces vagues jettent partout sur la côte un murmure sourd, harmonieux, confus, qui monte jusque sous l’ombre des vignes et des caroubiers, et qui remplit les campagnes de vie et de sonorité. À ma gauche, la côte de Bayruth était basse ; c’était une continuité de petites langues de terre tapissées de verdure, et garanties seulement du flot par une ligne de rochers et d’écueils couverts pour la plupart de ruines antiques. Plus loin, des collines de sable rouge comme celui des déserts d’Égypte s’avancent comme un cap, et servent de reconnaissance aux marins ; au sommet de ce cap, on voit les larges cimes en parasol d’une forêt de pins d’Italie ; et l’œil, glissant entre leurs troncs disséminés, va se reposer sur les flancs d’une autre chaîne du Liban, et jusque sur le promontoire avancé qui portait Tyr (aujourd’hui Sour).

Quand je me retournais du côté opposé à la mer, je voyais les hauts minarets des mosquées, comme des colonnettes isolées, se dresser dans l’air bleu et ondoyant du matin ; les forteresses moresques qui dominent la ville, et dont les murs lézardés donnent racine à une forêt de plantes grimpantes, de figuiers sauvages et de giroflées ; puis les crénelures