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ou une forme et une date à un monument, on est sûr d’avance que M. Gropius n’a jamais profané ce qu’il adore, ni fait un vil commerce de la plus noble et de la plus désintéressée des études, l’étude des antiquités.

Avec un tel homme, les jours valent des années pour le voyageur ignorant comme moi. — Je lui demandai de me faire grâce de toutes les antiquités douteuses, de toutes les célébrités de convention, de toutes les beautés systématiques. J’abhorre le mensonge et l’effort en tout, mais surtout en admiration. Je ne veux voir que ce que Dieu ou l’homme ont fait beau ; la beauté présente, réelle, palpable, parlante à l’œil et à l’âme, et non la beauté de lieu et d’époque : la beauté historique ou critique, — celle-là aux savants. — À nous, poëtes, la beauté évidente et sensible ; — nous ne sommes pas des êtres d’abstraction, mais des hommes de nature et d’instinct : ainsi j’ai parcouru maintes fois Rome ; ainsi j’ai visité les mers et les montagnes ; ainsi j’ai lu les sages, les historiens et les poëtes ; ainsi j’ai visité Athènes.

C’était une belle et pure soirée : le soleil dévorant descendait noyé dans une brume violette sur la barre noire et étroite qui forme l’isthme de Corinthe, et frappait de ses derniers faisceaux lumineux les créneaux de l’Acropolis, qui s’arrondissent, comme une couronne de tour, sur la vallée large et ondulée où dort silencieuse l’ombre d’Athènes. Nous sortîmes par des sentiers sans noms et sans traces, franchissant à tout moment des brèches de murs de jardins renversés, ou des maisons sans toits, ou des ruines amoncelées sur la poussière blanche de la terre d’Attique. À mesure que nous descendions vers le fond de la vallée profonde et déserte qu’om-