Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




Même date.


Voici les sommets lointains de l’île de Crète qui s’élèvent à notre droite ; voici l’Ida couvert de neiges, qui paraît d’ici comme les hautes voiles d’un vaisseau sur la mer.

Nous entrons dans un vaste golfe, c’est celui d’Argos ; nous filons vent arrière avec la rapidité d’une volée de goëlands ; les rochers, les montagnes, les îles des deux rivages, fuient comme des nuages sombres devant nous. La nuit tombe ; nous apercevons déjà le fond du golfe, qui a pourtant dix lieues de profondeur ; les mâts de trois escadres mouillées devant Nauplie se dessinent comme une forêt d’hiver sur le fond du ciel et de la plaine d’Argos. Bientôt l’obscurité est complète ; les feux s’allument sur le penchant des montagnes et dans les bois, où les bergers grecs gardent leurs troupeaux ; les vaisseaux tirent le canon du soir. Nous voyons briller successivement tous les sabords de ces soixante bâtiments à l’ancre, comme les rues d’une grande ville éclairée par ses réverbères ; nous entrons dans ce dédale de navires, et nous allons mouiller en pleine nuit près d’un petit fort qui protége la rade de Nauplie en face de la ville, et sous l’ombre du château de Palamide.