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jeter là ces autres hommes que j’y vois ! Dieu le sait. Quoi qu’il en soit, ce ne peut être un homme vulgaire que celui qui a senti la volupté et le besoin de se cramponner comme la liane pendante aux parois d’un pareil abîme, et de s’y balancer pendant toute une vie au tumulte des éléments, à la terrible harmonie des tempêtes, seul avec son idée, devant la nature et devant Dieu.




Même date.


À quelques lieues du cap, la mer redevient plus belle. De légères embarcations grecques, sans pont, et couvertes de voiles, passent à côté de nous dans les profondes vallées des vagues : elles sont pleines de femmes et d’enfants qui vont vendre à Hydra des corbeilles de melons et des raisins. Le moindre souffle de vent les fait pencher sur la mer jusqu’à y baigner leurs voiles. Elles n’ont, pour se défendre de la lame, qu’une toile tendue qui élève de quelques pieds le bord exposé à la vague ; elles sont souvent cachées a nos yeux par le flot et par l’écume ; elles remontent comme un liége flottant sur l’eau. Quelle vie ! c’est celle de presque tous les Grecs : leur élément, c’est la mer ; ils y jouent comme l’enfant de nos hameaux sur les bruyères de nos montagnes. La destinée du pays est écrite par la nature : c’est la mer.