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Même date, midi.


La brise est douce et nous jette sur le cap. La frégate qui nous remorque creuse devant nous une route plane et murmurante, où nous volons sur sa trace dans des flocons d’écume, que sa quille fait bondir en fuyant. Le capitaine Lyons, qui connaît ces parages, veut nous faire jouir de la vue du cap et des terres en passant à cent toises au plus de la côte.

À l’extrémité du cap San Angelo ou Malia, qui s’avance beaucoup dans la mer, commence le passage étroit que les marins timides évitent en laissant l’île de Cérigo sur leur gauche. Ce cap est le cap des Tempêtes pour les matelots grecs. Les pirates seuls l’affrontent, parce qu’ils savent qu’on ne les y suivra pas. Le vent tombe de ce cap avec tant de poids et de fougue sur la mer, qu’il lance souvent des pierres roulantes de la montagne jusque sur le pont des navires.

Sur la pente escarpée et inaccessible du rocher qui forme la dent du cap, dent aiguisée par les ouragans et par l’écume des flots, le hasard a suspendu trois rochers détachés du sommet, et arrêtés à mi-pente dans leur chute. Ils sont là comme un nid d’oiseaux de mer penché sur l’abîme écumant des mers. Un peu de terre rougeâtre, arrêtée aussi par ces trois rochers inégaux, y donne racine à cinq ou six figuiers