Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/457

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ceux-ci, voyant plus loin sur un pied qui se dresse,
Buvant la vérité jusqu’à l’ardente ivresse,
Hélant au jour divin l’éclair des passions,
Voudraient pouvoir ravir l’étincelle à la foudre,
Et que le monde entier fût un monceau de poudre,
Pour faire d’un seul coup tout éclater en poudre,
Lois, autels, trônes, nations !

Nous, amis ! qui plus haut fondons nos confiances,
Marchons au but certain sans ces impatiences :
La colère consume et n’illumine pas ;
La chaste vérité n’engendre pas la haine.
Si quelque vil débris barre la voie humaine,
Écartons de la main l’obstacle qui la gêne,
Sans fouler un pied sous nos pas !

Dieu saura bien sans nous accomplir sa pensée.
Son front dort-il jamais sur l’œuvre commencée ?
Homme ! quand il attend, pourquoi t’agites-tu ?
Quel trait s’est émoussé sur le but qu’il ajuste ?
N’étendons pas le Temps sur le lit de Procuste !
La résignation est la force du juste ;
La patience est sa vertu.
 
Ne devançons donc pas le lever des idées,
Ne nous irritons pas des heures retardées,
Ne nous enfermons pas dans l’orgueil de nos lois !
Du poids de son fardeau si l’humanité plie,
Prêtons à son rocher notre épaule meurtrie,
Servons l’humanité, le siècle, la patrie :
Vivre en tout, c’est vivre cent fois !