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CHAPITRE IX.

cier et armés de leurs carabines, chargèrent leurs armes devant moi, et se rangèrent, leur fusil en joue, pour attendre le commandement de tirer.

Eh bien ! monsieur, dans ce silence de tout un peuple qui retient son haleine en attendant la voix qui doit commander la mort d’un homme, vous me croirez si vous voulez, mais je ne crois pas avoir pâli, la joie de l’idée qu’en mourant je mourais pour lui me possédait seule, et j’attendais le commandement du feu avec plus d’impatience que de peur !

— Soldats ! s’écria d’une voix de commandement l’officier, préparez vos armes !

Les soldats me mirent en joue ; à ce moment, le bourreau, qui était derrière moi, un peu à l’abri par un angle du mur, se jeta tout à coup sur moi, et, m’arrachant d’une main rapide et violente le capuchon et la robe de pénitent jusqu’à la ceinture, me découvrit presque nue aux yeux des soldats et de la foule. Ma chemise entr’ouverte laissa mon sein a demi nu, et mes cheveux, dont le cordon avait été détaché par le geste du bourreau, roulèrent sur mes épaules.

Je crus que j’allais mourir de honte en me voyant ainsi demi-nue devant cette bande de soldats étonnés ; ils restaient suspendus comme devant un miracle, car mes mains liées derrière le dos m’empêchaient de recouvrir ma poitrine et mon visage.

Ah ! mon Dieu, la mort n’est pas si terrible que ce que