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FIOR D’ALIZA.

n’entendais pas, et qui s’arrêtait de moment en moment pour me faire baiser le crucifix. Je promenais, du fond de mon capuchon, mes yeux sur cette foule, ne craignant qu’une chose, d’y rencontrer mon père aveugle et ma tante, et de me trahir en tombant d’émotion devant eux, avant d’être arrivée à la place de l’exécution.

Mais je ne vis rien que les visages irrités des sbires et les visages attendris et pieux de la foule. Plus nous approchions et plus elle était épaisse. En passant sur la grande place, devant la façade du palais du duc, voisin des remparts où j’allais mourir, je vis une femme, une belle femme, qui tenait un mouchoir sur ses yeux, agenouillée sur son balcon, et qui rentra précipitamment dans l’ombre de son palais, comme pour ne pas voir le meurtrier pour lequel elle priait Dieu. Mais en l’absence de son mari, elle n’avait pas le droit de faire grâce !

CCLX

On me fit monter précipitamment les marches qui conduisaient au rempart, et on me plaça seule avec le père Hilario et le bourreau contre le parapet du Cerchio, afin que les balles qui m’auraient frappée n’allassent pas tuer un innocent hors des murs, de l’autre côté du fleuve. Un peloton d’une douzaine de sbires, commandés par un offi-