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CHAPITRE IX.

CCXLIX

Donc il faut le tromper pour le sauver ; je lui dirai : Fuis, je t’en ai préparé les moyens pour la nuit où tu seras mis seul en chapelle et je vais te rejoindre ; ce n’est pas même un mensonge, car, morte ou vivante, je le rejoindrai bientôt. Puis-je vivre sans lui ? puis-je même mourir sans que mon âme vole sur ses pas et le rejoigne comme la colombe rejoint le ramier quand il meurt ou quand il émigre de la branche avant elle ?

Il fut donc décidé que je le tromperais pour ne pas tromper le bargello et sa femme.

— Quand il sera libre, continua la voix, tu revêtiras le froc et le capuchon des pénitents noirs qu’il aura laissé tomber de la fenêtre en s’enfuyant, et tu reviendras dans son cachot, avant le jour, prendre sa place, pour que les sbires te mènent au supplice, en croyant que c’est lui qu’ils vont fusiller pour venger le capitaine ; tu marcheras en silence devant eux, suivie des pénitents noirs ou blancs de toute la ville qui prieront pour toi ; et quand tu seras arrivée au lieu du supplice, tu mourras en prononçant son nom, heureuse de mourir pour qu’il vive !

Voilà, monsieur, voilà exactement ce que l’ange me dit. Je ne l’aurais pas inventé, en toute ma vie, de moi-même.