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FIOR D’ALIZA.

prison soit gaie et que mes prisonniers aient de bons moments que Dieu leur permette de prendre, même en leur donnant tant de mauvais jours.

Gaie !… Elle ne le sera pas longtemps, ajouta-t-il à voix basse et en se parlant à lui-même.

Je pâlis sans qu’il s’en aperçut, et je me doutais qu’on avait peut-être jugé à mort celui qu’ils appelaient le meurtrier. Je n’osai rien témoigner de mon angoisse, de peur de me révéler, et j’attendis que le bargello fût ressorti de la prison pour faire parler, si j’osais, sa bonne femme.

Hélas ! je n’eus pas grand-peine à provoquer ces renseignements ; dès que je la rencontrai, en sortant du cloître, dans la cuisine où j’allais chercher les paniers de provende pour le souper des prisonniers :

— Tu auras trop tôt une écuelle de moins à leur servir, me dit-elle avec une vraie compassion.

— Quoi ! dis-je avec peine, tant le désespoir me serrait la gorge, le meurtrier a été jugé ?

— À mort ! murmura-t-elle en me faisant un signe de silence avec ses lèvres.

— À mort ! m’écriai-je en laissant retomber le panier sur le carreau.

— Pauvre enfant, dit-elle, on voit bien que tu as bon cœur, car tu as pâli à l’idée du supplice d’un misérable qui ne t’est rien, pas plus qu’à moi, ajouta-t-elle, et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de pâlir, de trembler et de pleurer moi-même, tout à l’heure, quand j’ai entendu