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FIOR D’ALIZA.

dans ses rêves, et que s’il n’avait rien osé dire encore a sa mère et à son oncle pour qu’on nous fiançât ensemble à San Stefano, c’était à cause de mes silences, de mes tristesses, de mes éloignements de lui depuis quelques mois, qui lui avaient fait douter s’il ne me causerait pas de la peine en me demandant pour fiancée à nos parents ; il me dit qu’il ne regrettait en ce moment ni la prison ni la mort, puisque son malheur avait été l’occasion qui avait forcé le secret de mon cœur.

Oh ! que nous nous dîmes de douces paroles alors, à travers les barreaux, ma mère ! et que même en ne nous parlant pas, mais en nous entendant seulement respirer, nous étions contents ! Il me semblait que je buvais du lait par les pores, et qu’une douceur que je n’avais jamais éprouvée me coulait dans toutes les veines et m’alanguissait tous les membres, comme si j’allais mourir et que la mort fût à la fois une mort et une résurrection. Je présume que le paradis sera quelque chose comme l’éternelle surprise et l’éternel aveu d’un premier amour, entre ceux qui s’aimaient et qui ne se l’étaient jamais dit !

CCII

Au second battement de marteau de l’horloge qui nous avertissait, je m’en allai a contre-cœur en reculant, en re-