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CHAPITRE VI.

Il n’y en a qu’un, la zampogne. Allons la chercher ; tirons-en quelques sons d’abord faibles et décousus, dans la cour, bien loin du cachot du meurtrier ; éveillons ainsi son attention, puis taisons-nous pour lui donner le temps de revenir de son étonnement ; puis recommençons un peu plus près, pour lui faire comprendre que c’est moi qui approche ; puis, avançons en jouant plus haut des airs à nous seuls connus, pour qu’il ne doute plus que c’est bien moi et que, de pas en pas et de note en note, il sente que je vais précautieusement à lui, et qu’il soit tout préparé a me revoir et à se taire quand la zampogne se taira et que j’ouvrirai la première grille de son cachot.

CXCIV

C’est ce que je fis, ma tante, et cela réussit aussi juste que cela m’avait été inspiré dans mon malheur ; ma zampogne jeta d’abord quelques sons aussi courts et aussi doux que les souffles d’un nourrisson qui se réveille, puis des morceaux d’airs tronqués et expirants comme des pensées qu’on n’achève pas dans un rêve, puis des ritournelles qu’on entend à la Saint-Jean, dans les rues, et qui sont dans l’oreille de tout le monde.

Les pauvres prisonniers et prisonnières, tout réjouis, se pressaient à leurs grilles, écoutaient les larmes aux yeux