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FIOR D’ALIZA.

ses instincts féroces, n’en ferait-il pas mourir bien d’autres avant lui ?

— C’est vrai, pourtant, dis-je, en baissant la tête, à la brave femme, de peur de me trahir. Seulement, qui sait s’il est vraiment criminel ou s’il est innocent ?

— On le saura avant la fin de la journée, dit-elle, car c’est aujourd’hui que le conseil de guerre est convoqué pour venger le pauvre sbire ; mais que peuvent dire ces avocats devant le cadavre de ce brave soldat tué derrière un arbre, en faisant la police dans la montagne ?

Je ne répondis rien en apprenant que le jugement serait rendu le jour même où j’entrais en service près d’Hyeronimo, dans sa propre prison. Mon cœur, resserré par les nouvelles de la maîtresse du logis, se fit si petit dans ma poitrine que je me sentis aussi morte que mon ami.

Cependant, qui sait, me dis-je en m’éloignant et en reprenant un peu mes sens, qui sait si l’on ne pourrait pas lui faire grâce encore à cause de sa jeunesse ? Qui sait si on ne lui donnera pas le temps de se préparer au supplice en bon chrétien, de se confesser, de se repentir, de se réconcilier avec les hommes et avec le bon Dieu ? Et qui sait si, pendant ce temps, je ne pourrai pas, comme la fille du galérien de Livourne, trouver moyen de le faire sauver de ses fers, fallût-il mourir à sa place ? Car, pourvu qu’Hyeronimo vive, qu’importe que je meure ; n’est-ce pas lui seul qui est capable, par ses deux bras, de gagner la vie de mon père, de ma tante et du pauvre chien aveugle ? Et