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CHAPITRE VI.

dit en me montrant la dernière loge grillée, sous le cloître, au fond de la cour :

— Il n’y a qu’un grand criminel ici, qui n’inspire ni pitié ni intérêt a personne, c’est celui-là ajouta-t-il en me montrant du doigt et de loin la loge d’Hyeronimo. Oh ! pour celui-là on dit que c’est une bête féroce qui vit de meurtres dans les cavernes de ses montagnes. Il a, d’un seul coup, tué traîtreusement un sbire et blessé deux gardes du duc ; il n’emportera pas loin l’impunité de ses forfaits, et personne ne pleurera sur sa fosse ; il est d’autant plus dangereux que l’hypocrisie la plus consommée cache son âme astucieuse et féroce, et qu’avec le cœur d’un vrai tigre il a le visage candide et doux d’un bel adolescent ; il faut trembler quand on l’approche pour lui jeter sa nourriture. Ne lui parlons pas, son regard seul pourrait nous frapper, si ses yeux avaient des balles comme son tromblon ; fais-lui jeter son morceau de pain de loin, à travers la double grille, par la main du piccinino, et, les autres jours, ne te risque jamais à entrer dans sa loge ; sans avoir la gueule des fusils des sbires de la porte derrière toi.

CLXXXVI

À ces mots, le bargello revint sur ses pas pour sortir de la cour, et je crus que j’allais m’évanouir de contente-