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FIOR D’ALIZA.

CLXXV

En parlant ainsi, nous descendions déjà lentement les marches noires de l’escalier mal éclairé par des meurtrières grillées, qui donnaient tantôt sur la cour, tantôt sur les belles campagnes de Lucques.

— Voilà ton porte-clefs, dit-elle en souriant à son mari et en me poussant, toute honteuse, devant le bargello, assis entre deux guichets, au bas des degrés, devant une grosse table chargée de papiers et de trousseaux de clefs luisantes comme de l’argent à force de tourner dans les serrures.

Le bargello regardait tantôt sa femme d’un air de joie, tantôt moi d’un air de doute :

— Ce visage-là ne fera pas bien peur à mes prisonniers, dit-il en souriant ; mais, après tout, nous sommes chargés de les garder et non de leur faire peur. Il y a des innocents et des innocentes dans le nombre ; il ne faut pas leur tendre leur morceau de pain et leur verre d’eau au bout d’une barre de fer : il est assez amer sans cela, le pain des prisons ; viens, mon garçon, que je te montre ton ouvrage de tous les jours, et que je t’apprenne ton métier.

À ces mots, il se leva, prit un gros trousseau de clefs dans une armoire de fer, dont il avait lui-même la clef sus-